Ici, les années scolaires se suivent et ne se ressemblent pas. Sauf le premier cours ! En effet, si mes collègues et moi remanions (trop?) souvent le programme annuel des cours de théâtre, le premier rendez-vous de la rentrée varie peu d’une année à l’autre. Alors comment préparer sa rentrée? Passage en revue de quelques essentiels. Au menu? Se raconter, s’orienter et jouer.
1. Se raconter
Dès les premiers instants, il me parait crucial d’aménager un espace pour que les élèves évoquent leur singularité, leur(s) histoire(s). Parce que ce sont elles et eux qui sont le centre – et non la périphérie – de l’enseignement!
Dire son prénom
Les élèves sont debout en cercle. Le «geste-prénom» consiste à dire son prénom en effectuant un mouvement. En choeur, les autres personnes répètent le prénom et miment le geste effectué. Cela permet de découvrir les élèves présent·es de manière incarnée, vocalement et corporellement. Plus fun qu’une liste de classe à égrainer!
Nommer ses représentations
Comme le socioconstructivisme nous a appris que les élèves n’étaient pas des vases vides (merci à lui!), il semble toujours pertinent de demander aux participant·es d’expliciter leurs représentations sur l’univers de théâtre. Cela peut prendre la forme d’un brainstorming individuel sur une feuille A4 à rendre à l’enseignant·e. Cette pratique envoie en outre le signal que chacun·e a sa place, peu importe le volume de son bagage dramatique.
Expliciter son expérience et ses besoins
Dans le même ordre d’idées, une pratique peut consister à valoriser les potentiels antécédents théâtraux des élèves et à les pousser à nommer leurs éventuels besoins ou envies. À nouveau, une feuille confidentielle à rendre à l’enseignant·e peut faire l’affaire.
La production de ces différentes esquisses (prénoms, représentations, expériences, besoins, etc.) permet de dessiner des trajectoires singulières. Trajectoires qui pourront ensuite continuer à se déployer au sein de l’atelier de théâtre.
2. S’orienter
Le premier cours de l’année est également l’occasion de poser un cadre sécurisant, sans lequel la création et l’expression artistiques semblent impossibles. On garde en tête la formule attribuée à Léonard de Vinci : «Toute contrainte m’est grâce.»
Les règles du cours
C’est le moment de nommer les règles de classe dont on sera la ou le garant·e. Largement inspirées du cadre proposé par Bernard Grosjean pour l’atelier-théâtre, voici quelques règles orientées vers le collectif et le respect d’autrui :
- on a le droit de ne pas jouer;
- on respecte l’expression des autres;
- la constitution des groupes se fait par tirage au sort;
- dès qu’on est sur scène, on est un·e autre;
- un cercle de parole et d’écoute encadre les séances;
- on ne passe jamais seul·e sur scène.
D’autres variantes existent évidemment. Notamment la possibilité d’instaurer des règles de manière participative.
Le rituel d’installation et de rangement
Comme ma salle de cours n’est pas dédiée uniquement au théâtre, il faut à chaque fois installer et ranger la scène, les chaises pour le public, les espaces de travail faits de tables et de chaises, etc. Un rituel d’installation et de rangement en musique permet de rassembler les élèves en équipes et d’attribuer à chaque équipe des tâches spécifiques à réaliser. Ces responsabilités changent au fil de l’année.
Le programme
Enfin, au niveau du cadre, je prends si possible un temps pour évoquer dans les grandes lignes le programme de l’année, les travaux qui attendent les participant·es. Cela leur permet de se projeter dans le futur. De peindre un horizon commun.
3. Jouer
Et puis, last but not least, le jeu théâtral occupe une place centrale lors de cette première rencontre.
Situation de réussite
Une activité comme le «geste-prénom» permet à chacun·e de réaliser un premier acte théâtral, en engageant corps et voix. Cet acte théâtral est rejoué par le groupe, ce qui lui confère une certaine légitimité. Et cela met directement les participant·es dans une situation de réussite. Ce qui me semble essentiel pour une discipline qui expose les élèves aux regards des autres.
Première expérience de la scène
La découverte collective de la scène constitue par ailleurs un passage important du premier cours. La pratique du théâtre-image, qui consiste à représenter des situations de manière figée, est généralement une bonne manière d’entrer sans trop de secousses dans le bain des arts de la scène. La matière à mettre en scène peut être un texte, une chanson, un fragment d’histoire du théâtre, etc. On fait tout de suite du théâtre!
Pour terminer
Derniers points : j’essaie de prendre le temps avant la rentrée de me familiariser avec les prénoms. Et j’inscris ces derniers sur des cartes pour le tirage au sort et dans le calendrier du rituel d’installation et de rangement. En plus d’être pratique, cette habitude envoie un signal symbolique: on a aménagé une place pour chacun·e.
Voici pour finir quelques ouvrages qui abordent ces questions du premier cours et/ou du cadre à poser:



- Bernard Grosjean, Dramaturgies de l’atelier-théâtre, Lansman, 2009
- Martine Boncourt, L’autorité à l’école : mode d’emploi, ESF, 2013
- Andrés Monteret, Les chemins du collectif, Libertalia, 2020
Et vous? Comment fonctionnez-vous dans vos ateliers de théâtre? Quels sont vos incontournables dans d’autres disciplines?
Pour aller plus loin:
- Le collectif Lettres vives livre quelques conseils pour accompagner et dédramatiser la rentrée