Certaines institutions bannissent les téléphones portables des salles de classe. D’autres gavent les élèves d’écrans en tout genre. Et d’autres encore laissent les enseignant·es gérer cette question. À défaut d’être souples, les deux premières situations ont le mérite de la clarté. Mais si l’on se trouve dans la troisième… quelle place accorder aux portables dans un cours de théâtre?
J’ai été marqué il y a quelques années par un reportage radiophonique de l’émission Vacarme de notre chère Radio suisse romande. Le thème de cet épisode? L’attention. La journaliste était plongée dans une classe de la Haute école dʹingénierie et de gestion à Yverdon-les-Bains.
Un précieux indicateur
Constatant que des smartphones étaient posés sur les bancs des étudiant·es, elle demande à l’enseignante si celle-ci accepte la présence de ces objets connectés. Réponse brillante de la pédagogue : «À moi de trouver des stratégies d’enseignement dans lesquels ils sont suffisamment engagés pour ne pas être attirés par leur portable. C’est le défi que je me donne. On ne peut pas contrôler le cerveau humain, si ce n’est en l’intéressant.»
Depuis ce jour, j’utilise également les portables comme un baromètre de l’engagement des élèves dans l’atelier de théâtre. C’est sans doute moins confortable qu’une intransigeante interdiction. Mais souvent, dégainer son téléphone est le symptôme d’autre chose qu’une addiction pulsionnelle à Instagram : une difficulté à rentrer dans une activité trop complexe, un temps trop long pour préparer une scène, une cohésion de groupe défaillante, une absence de sens de l’activité, etc.
Alors parfois, oui, des portables germent.
Mais cela permet de temps en temps d’ajuster le dispositif pédagogique. Passer sans plus attendre aux présentations des scènes. Repréciser la consigne. Ou ajouter un défi théâtral.
Cette approche pose toutefois quelques questions. Est-ce que les élèves sont égaux·ales face à la tentation de dégainer leur portable? Est-ce applicable à toutes les disciplines scolaires?
Parfois utiles en cours!
Dans un atelier de théâtre, les portables peuvent en outre également s’avérer utiles. Gravement traumatisé au troisième degré avec six points de suture par le confinement du covid et l’enseignement à distance, je ne suis pas le plus fervent défenseur de l’enseignement numérique.
Mais je dois aussi dire qu’il m’arrive de demander aux élèves d’utiliser leur téléphone pour diverses activités :
- des recherches historiques sur Shakespeare ;
- des ajouts de morceaux de musique aux scènes jouées ;
- des quiz sur Kahoot pour se familiariser avec des notions essentielles du théâtre ;
- de l’écriture collaborative sur Framapad ;
- etc.
Cela dit, ces activités numériques n’occupent qu’une place marginale dans le parcours théâtral des élèves. C’est comme les sushis aux radis. Écoeurant au bout d’un moment.
Alors vive les téléphones portables en cours de théâtre! Lorsqu’ils servent à s’imprégner de la biographie de Molière ou qu’ils patientent sagement au fond des poches.