Ce matin, les élèves sont chargé·e·s de confectionner des marionnettes et de les manipuler. Un œil attentif peut aisément constater que leur concentration n’est pas totale. Diantre! Ici, quelqu’un mâche un chewing-gum en scrutant un dialogue. Là, d’autres discutent de leurs amours tout en empoignant un texte de théâtre. Ailleurs, un natel projette de la musique. Celle prévue pour la scène, m’assure-t-on.
L’enseignant·e rêve parfois d’une implication sans concession des élèves. Cette dévotion fantasmée se heurte le plus souvent à un grave constat : rêveries et bavardages, francs ou voilés, manquent rarement à l’appel. C’est grave, docteur?
Peut-être pas tout à fait. Je me souviens de cours de théâtre que je suivais adolescent. Nous avions du temps pour préparer les scènes. Parfois nous travaillions. Parfois pas. Pour être précis je dirais que nous sifflions en travaillant. Mais les scènes présentées étaient souvent excellentes. L’hypothèse? Si les élèves sentent qu’ils et elles ont la responsabilité de créer une séquence, ils et elles feront en sorte d’y parvenir coûte que coûte. Quitte à tout donner dans les dernières secondes de création.
En amont nous posons le cadre de la coopération: réflexions, règles ou chartes. C’est important. Et puis j’interviens rarement dans un groupe lorsque je lance des participant·e·s sur une mission: jouer un dialogue, écrire un texte, mettre en scène. Parce que ma confiance en l’intelligence collective qui se fabrique durant un atelier de théâtre est inépuisable. Cette intelligence a ses éclats et ses errances. Puisqu’elle est humaine, pas mécanique, pas numérique.
On imagine mal l’arbitre interrompre le match toutes les deux minutes pour dispenser un cours d’histoire du football. On imagine mal le père faire irruption à tout moment dans la chambre de l’enfant pour exiger un bilan sur la situation sentimentale actuelle de Barbie. On supporte mal la télé qui grésille au milieu d’un beau film.